• Le critère d'une civilisation, c'est le Temps

    Je ne suis pas européen, je ne l’ai jamais été. Depuis plus de mille ans, les familles dont je descends, et pour lesquelles dix kilomètres étaient le bout du monde se sont suffi de ce minuscule coin de Terre.

    Des estrangers (rendez-vous compte, venus de cinquante kilomètres et plus) ont résolu de troubler ce qui n’était pas un paradis, mais un endroit où l’on vivait, tout simplement. Presque toujours paysans (l’un d’eux, mon arrière-grand-père, était menuisier-charpentier-ébéniste) mes ancêtres comptaient en saisons, en temps de maturation du vin, des jeunes animaux, de nouvelles vies humaines, et mettaient de côté le fruit des récoltes, non par esprit de lucre, mais en prévision des inévitables vaches maigres. Leur vie était frugale, les vacances n’existaient pas, mais ils savaient s’arrêter un peu pour admirer un soleil couchant, des jeunes en train de danser, pour saluer l’arrivée d’un nouveau-né ou le départ d’un ami dans le noir corbillard. Leur vie était à la fois simple, et d’une complexité rare, parce qu’ils étaient les maîtres de leurs gestes…

    Après mon père, usé avant l’âge, je n’ai connu que les vrais paysans (oui, encore) de la zone protégée de Notre Dame des Landes, chez qui je retrouvais ce sens du temps à une époque où des compteurs de microsecondes ne savaient plus ce qu’est un ciel bleu, une libellule perchée sur un nénuphar, une alouette célébrant de son chant le nid dont elle se rend responsable.

    Non, je ne suis pas européen, ce contexte n’a rien à voir pour moi tant le complexe géographique Europe est disparate et ne peut PAS prétendre à l’unité.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :